Mathilde PHILIP-GAY est professeure des universités en droit public à l'Université Jean-Moulin-Lyon-III.
Elle nous rappelle tout d’abord avoir une pensée pour Robert
BADINTER, avec lequel elle a beaucoup travaillé.
Son livre « Peut-on juger POUTINE ? » a été conçu pour une
destination « grand public ».
Elle est spécialiste de la responsabilité des chefs d’État, elle fait un rappel historique de l’invasion de l’Ukraine.
Le soutien de l’Union européenne et des USA est
indispensable. Il s’agit d’un mouvement mondial.
Elle insiste sur le fait qu’il s’agit de juger POUTINE et
non de le tuer. Comme dans tout jugement se pose le problème de la sanction,
ainsi que celui de la présomption d’innocence. Il faut insister sur la
nécessité d’un jugement, avec possibilité de se défendre.
Se pose la question plus générale : peut-on juger un chef
d’État ? La responsabilité d’un chef d’État est difficile à prouver.
Il y a plusieurs façons de juger POUTINE : s’il était un
simple soldat qui a torturé, il s’agirait d’un crime international dans un
cadre où le droit prévoit des sanctions (Cf la seconde guerre mondiale).
Il s’agit de punir tous ceux qui veulent détruire un pays :
il s’agit alors d’un génocide. Il peut s’agir aussi de crime contre l’humanité
(viols, tortures…). Si c’est un soldat, il sera jugé selon la nationalité de la
victime (donc l’Ukraine). Une autre école prévoit une action contre l’auteur :
ce serait donc la Russie qui serait compétente.
S’agissant de la compétence, les victimes peuvent être
françaises ; s’il s’agit d’un soldat la compétence est française.
S’il s’agit d’un crime international tout pays peut être
compétent.
Mais POUTINE est chef d’État : cf. le procès de Nuremberg, ce sont les hommes et non les états qui sont responsables.
Après un bref rappel historique, la conférencière rappelle
que le fait de faire une guerre illégale (guerre d’agression) le permet pas la
légitime défense.
Il est rappelé que POUTINE a toujours voté pour les
condamnations des chefs d’État. Il est fait écho au discours de Dominique de
VILLEPIN à l’ONU, où le représentant suisse a fait, comme lui, un discours sur
le crime d’agression.
Les guerres illégales sont condamnables, ce principe est
très important pour le futur, les chefs d’État concernés en ont peur. La cour pénale internationale traite de crimes contre
l’humanité et des crimes de guerre. Mais s’agissant de POUTINE, il est nécessaire que la guerre
soit terminée. Ce sera donc très long. POUTINE sera peut-être mort.
C’est la raison pour laquelle une juridiction pénale
spéciale est en cours et va s’appliquer, et ne concernera que les crimes
d’agression.
Reste un problème de forme : quels juges pourront juger ? Il
s’agira d’une juridiction mixte : union européenne, avec juges ukrainiens et
autres juges internationaux. Comment arrêter POUTINE ?
Jugé par contumace (c’est-à-dire en son absence) ou bien
d’abord l’arrêter avec trois possibilités : aller le chercher, difficile à
envisager. Risque de guerre nucléaire.
Arrêté par la police de son propre pays : cf. Nuremberg, les
chefs nazis se sont trahis les uns les autres. Par analogie, un haut dignitaire
russe peut être arrêté et par peur d’être interdit de séjour dans d’autres pays,
peut lui aussi trahir. Il faut rappeler à ce propos la prise de pouvoir par
POUTINE, qui a menacé ELTSINE avec des moyens inconnus, mais qui ont permis,
comme par hasard, de lui succéder… !
Il peut aussi s’agir d’une erreur commise par POUTINE lui-même (Cf le précédent de Hissène Habré). L’hypothèse étant qu’il se fasse
promettre l’immunité dans un pays ami (il en reste 40), mais que ce pays le
trahisse.
En conclusion il faut que POUTINE soit jugé. C’est
indispensable pour la justice internationale, car ça peut créer un précédent que
pourraient exploiter les despotes actuels et futurs.
Il faut également rendre hommage aux « tireurs embusqués »,
c’est-à-dire ceux qui montent des dossiers sur les chefs d’État concernés, et
qui risquent leur vie.
Merci à Mme Mathilde PHLIP-GAY pour cette captivante conférence.
PEUT-ON JUGER POUTINE ? par Mathilde Philip-Gay
Editions Albin Michel - mai 2023